Trump sur Jérusalem : «C'est une nouvelle humiliation infligée au monde arabe»

«Pour la première fois dans leur histoire de puissance mondiale, les Etats-Unis ne sont relayés par personne», souligne Bertrand Badie, professeur à Sciences-Po Paris. Interview. 

«Donald Trump parle à son électorat et à la société américaine. C'était une promesse de campagne», rappelle Bertrand Badie.
«Donald Trump parle à son électorat et à la société américaine. C'était une promesse de campagne», rappelle Bertrand Badie. LEEMAGE/OPALE/PATRICE NORMAND

    Les Palestiniens sont en colère et très amers après la décision historique de Donald Trump de reconnaître la Ville Sainte comme capitale de l'Etat d'Israël. Dès ce vendredi, jour de prière, «la rue pourrait basculer dans la violence, d'autant plus que les Palestinens, déjà exaspérés, ne croient plus à une sortie de crise», alerte Bertrand Badie, professeur à Sciences-Po Paris, spécialiste des relations internationales.

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    Comment comprendre la décision de Donald Trump sur Jérusalem ? 
    Bertrand Badie. Comme à son habitude, Donald Trump parle à son électorat et à la société américaine. C'était une promesse de campagne. En la tenant, il montre qu'il entend les fondamentalistes protestants qui, plus encore que les juifs aux Etats-Unis, sont à la base de cette revendication de reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël. La charge symbolique de cette décision est lourde. C'est une nouvelle humiliation infligée aux Palestiniens mais aussi à un monde arabe déjà divisé et au monde musulman tout entier.

    Le Hamas appelle à une nouvelle intifada. Y a-t-il un risque d'embrasement de toute la région?
    Oui, et ce risque est en germe depuis longtemps. On se rappelle les tensions après l'installation des portiques de sécurité à l'entrée de l'esplanade des Mosquées. Dès ce vendredi, jour de prière, on peut s'attendre à des pressions très fortes dans la population palestinienne. La rue pourrait basculer dans la violence, d'autant plus que les Palestinens, déjà exaspérés, ne croient plus à une sortie de crise.

    Les pays arabes condamnent cette décision. Quelles peuvent être les conséquences diplomatiques ?
    Il faut d'abord souligner l'isolement de Donald Trump. Pour la première fois dans leur histoire de puissance mondiale, les Etats-Unis ne sont relayés par personne. Aucun allié occidental n'a suivi. Ni dans cette décision ni quand les Américains ont quitté l'Unesco ou la COP21. La superpuissance américaine est devenue une puissance contestataire. Quant aux pays arabes, ils ont tous désapprouvé cette décision. La Jordanie s'est montrée très ferme, et même l'alliée modèle des Américains, l'Arabie saoudite, est gênée. C'est une mauvaise affaire pour elle car l'Iran n'hésitera pas à se présenter comme le porte-étendard de la défense des lieux saints.

    Que peut faire le Conseil de sécurité qui se réunit ce vendredi en urgence ?
    Rien. Une résolution serait immédiatement bloquée par le veto américain. La France et la Grande-Bretagne ne souhaitent d'ailleurs pas aller à l'affrontement avec les Etats-Unis. Cette réunion est le signe envoyé que le problème est considéré comme grave. Les Etats-Unis seront incités à modérer leurs positions. Le déménagement de l'ambassade américaine à Jérusalem prendra d'ailleurs du temps. L'espoir des Européens est que le projet ne se concrétise pas dans l'immédiat et que cela permette à la fièvre de retomber.

    Le processus de paix israélo-palestinien est-il mort ?
    L'impasse est en tout cas totale. Quand Trump explique qu'il confie à son gendre Jared Kushner la tâche de proposer une initiative de paix, on est dans la pure rhétorique. Il n'a aucun moyen de pression. Jamais les Etats-Unis n'ont été aussi faibles pour jouer le rôle de médiateur historique qu'ils ont dans la région.