« Protégeons les Arabes qui dialoguent avec Israël »

TRIBUNE. Plusieurs dizaines de députés, sénateurs et anciens ministres apportent leur soutien à la démarche novatrice d'intellectuels arabes.

Des drapeaux israéliens, le 10 février 2020 à Tel-Aviv.  
Des drapeaux israéliens, le 10 février 2020 à Tel-Aviv.   © Artur Widak / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Temps de lecture : 11 min

Le Point publie une tribune signée par plus de soixante députés et sénateurs français de droite, du centre et de gauche, anciens chefs de gouvernement, anciens ministres, intellectuels, qui s'engagent contre le virus de la haine en apportant leur soutien aux représentants de la société civile de seize pays arabes qui ont fondé le Conseil arabe pour l'intégration régionale. Celui-ci a pour objectif de tendre la main à Israël et de lutter contre les préjugés en instaurant un véritable dialogue israélo-arabe pour normaliser les relations et mettre fin à toute forme de boycottage.

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« Nous, responsables politiques de la majorité comme de l'opposition, anciens ministres de la République, intellectuels, souhaitons apporter notre soutien à l'initiative historique du Conseil arabe pour l'intégration régionale (ACRI), dont les membres appellent à briser le tabou du boycott de la société civile israélienne dans le monde arabe. Le Conseil arabe rassemble plus d'une trentaine de leaders d'opinion – intellectuels, hommes politiques, artistes, militants des droits de l'homme – originaires de plus de quinze pays arabes, du Maghreb au Machrek. Ces hommes et ces femmes savent que la paix est un combat et que ce combat se mène sur le terrain des idées. Pour faire reculer la culture de haine et sortir de l'impasse actuelle, ils estiment qu'il est temps de tirer les leçons des échecs passés en prenant le parti du dialogue avec la société israélienne plutôt que celui de la censure, de la coexistence judéo-arabe plutôt que celui du rejet et de l'exclusion.

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Le Conseil arabe n'entend pas se substituer aux diplomaties des États de la région, mais semer les graines d'une vision différente et novatrice, posant à la fois un défi et une opportunité pour toutes les parties au conflit. Cette vision est fondée sur un constat. Les propositions traditionnelles de paix politique "par le haut" n'ont pas résisté à l'épreuve de la réalité, les sociétés civiles de la région n'ayant pas été suffisamment mobilisées et engagées à répercuter sur le terrain ces efforts. De la même manière, le développement économique est certes indispensable pour créer les infrastructures matérielles d'une paix future, mais il ne déterminera pas à lui seul l'attitude qu'adopteront les sociétés concernées à l'égard d'un accord qui impliquera de part et d'autre des compromis douloureux. Il n'y aura pas de paix sans le développement d'une culture de paix, laquelle passe par l'établissement d'un dialogue franc et ouvert entre les sociétés civiles du monde arabe et la société israélienne.

Or le boycott d'Israël a eu un triple effet pervers. Il a impacté négativement la dynamique israélo-palestinienne en empêchant les Arabes d'influer sur ce conflit de manière positive et en contribuant à isoler la société civile palestinienne de son environnement arabe. Dans le même temps, il a alimenté le scepticisme et la défiance d'une société israélienne en butte à l'hostilité et à l'ostracisme de son environnement géopolitique proche. Enfin, il a servi de modèle aux boycotts intra-arabes et intra-islamiques qui balkanisent cette région du monde. Le boycott est donc une démarche contre-productive qui n'a avantagé que les radicaux et les extrémistes de tous bords.

Les mêmes logiques de haine et d'exclusion qui déstabilisent l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient s'exportent malheureusement chez nous

« En tant qu'élus de la République, nous partageons sur ces sujets une préoccupation commune, quelles que soient nos orientations politiques. Nous sommes confrontés, depuis les années 2000, à l'instrumentalisation du conflit israélo-palestinien sur le territoire national. Ce phénomène s'est traduit par l'explosion sans précédent des actes antisémites. Les mêmes logiques de haine et d'exclusion qui déstabilisent l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient s'exportent malheureusement chez nous. Ces répercussions violentes affaiblissent notre tissu social alors que notre pays est le foyer des plus grandes communautés juives et musulmanes du Vieux Continent. Nous pensons qu'en mobilisant les sociétés civiles du Maghreb et du Machrek pour faire avancer une véritable culture de paix, le Conseil arabe peut contribuer à faire reculer l'extrémisme non seulement dans cette région du monde, mais aussi sous nos latitudes.

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Les membres du Conseil arabe sont des bâtisseurs de paix. Ils proposent des projets de coopération concrets et innovants qui peuvent avoir un réel impact sur le terrain. Mohammed Dajani, un intellectuel palestinien militant pour la paix, a ainsi l'intention de créer le premier programme conjoint de doctorat pour les études sur la paix dans la région, réunissant Arabes, Israéliens et spécialistes internationaux de la résolution des conflits. Le journaliste algérien Sami Baziz propose quant à lui une formation avancée pour les professionnels des médias arabes, malheureusement imprégnés par les fausses théories du "complot juif" qui ont bloqué toute discussion constructive sur l'avenir de l'Algérie et sa relation avec le monde juif et Israël. Maryam al-Ahmedi, militante émiratie des droits de l'homme, propose de créer une ligue des femmes de l'ensemble du Moyen-Orient pour faire avancer la cause de la tolérance et de l'égalité hommes-femmes. Ces projets constituent, selon Sami al-Nesef, ancien ministre koweïtien de l'Information, l'extension culturelle et civique de l'Initiative de paix arabe, introduite pour la première fois par la monarchie saoudienne en 2002. Le député égyptien Mohamed Anwar el-Sadate appelle de son côté à la mise en œuvre de projets similaires dans son pays, afin de mettre en œuvre les promesses originelles des accords de Camp David signés par son oncle défunt et martyr de la paix, le président Sadate.

La coopération israélo-arabe pour lutter contre le Covid-19 est un impératif moral et pratique

D'autres membres du Conseil arabe qui ont également témoigné le 11 février dernier à l'Assemblée nationale envisagent une coopération dans les domaines de la santé publique, du développement des infrastructures et de l'hydrologie. Tous conviennent que, dans le contexte de pandémie mondiale affectant tous les peuples sans exception, la coopération israélo-arabe pour lutter contre le Covid-19 est un impératif moral et pratique. La crise sanitaire actuelle fournit une belle illustration du pouvoir de la société civile lorsque celle-ci est mobilisée au service du bien commun. Nous nous félicitons de ce point de vue de l'efficacité de la coopération israélo-palestinienne, qui a permis d'endiguer la propagation du coronavirus entre le Jourdain et la Méditerranée. Cette coopération inédite a sauvé des vies et redonné espoir aux partisans du dialogue et de la réconciliation.

« Mais ces nobles projets ne pourront voir le jour tant que les lois de la plupart des pays arabes continueront de menacer les partisans arabes du dialogue avec les Israéliens. Ces lois "anti-normalisation" criminalisent et marginalisent la démarche des membres du Conseil arabe qui pourrait pourtant apporter une contribution utile à l'établissement d'une culture de paix digne de ce nom dans la région.

La France peut jouer un rôle bénéfique

C'est pourquoi nous appelons le gouvernement français et nos partenaires européens à offrir une protection internationale aux membres du Conseil arabe pour l'intégration régionale et, plus généralement, aux Arabes du Maghreb et du Machrek qui appellent à la paix et au dialogue avec les Israéliens. Nos agents diplomatiques en poste à l'étranger devraient, le cas échéant, pouvoir être mobilisés afin d'assurer une telle protection fondée sur le principe d'inviolabilité diplomatique reconnu par le droit international. Outre la garantie d'une protection internationale, nous proposons également la création d'un groupe d'études à l'Assemblée nationale comme au Sénat, dont la mission serait d'assurer une veille juridique et technique des obstacles auxquels sont confrontés les partisans arabes du dialogue avec les Israéliens. Nos assemblées pourraient se réunir chaque année – à l'occasion notamment du Forum de Paris sur la paix – pour dresser un bilan des actions entreprises par le Conseil arabe et des difficultés rencontrées sur le terrain par ses membres pour faire avancer leurs nobles projets.

Forte de ses liens historiques et de ses relations diplomatiques, militaires, économiques et culturelles avec l'ensemble des pays du monde arabe, la France peut jouer un rôle bénéfique en encourageant la démarche constructive des membres du Conseil arabe et les projets qu'ils portent. En renforçant nos liens avec les acteurs de ce rapprochement entre les sociétés civiles du monde arabe et d'Israël, notre pays pourra peser davantage et permettre à la paix de trouver son chemin dans une région qui en a tant besoin. »

Voici la liste des premiers signataires de cette tribune :

Édith Cresson, ancienne Première ministre

Manuel Valls, ancien Premier ministre

Christophe Arend, député, président du bureau de l'assemblée parlementaire franco-allemande

Julien Aubert, député

Valérie Bazin-Malgras, députée

Aurore Bergé, députée, présidente du groupe d'amitié France-Israël à l'Assemblée nationale

Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, ancien ministre

Jean-Marie Bockel, sénateur, membre de la commission des Affaires étrangères et des Forces armées, ancien ministre

Pierre-Yves Bournazel, député, secrétaire de la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation

Guy Bricout, député

Pascal Bruckner, essayiste

Jacques Cattin, député

Paul Christophe, député

Ilana Cicurel, députée européenne

Daniel Cohn-Bendit, ancien député européen

Philippe Dallier, vice-président du Sénat, président du groupe d'amitié France-Israël au Sénat

Bernard Deflesselles, député, membre de la commission des Affaires étrangères

Stéphane Demilly, député

Catherine Deroche, secrétaire du Sénat

Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de la Santé et des Affaires étrangères

François de Rugy, député, membre de la commission des Affaires étrangères, ancien ministre d'État

Roger-Pol Droit, écrivain, philosophe

Christophe-André Frassa, secrétaire de la commission des Lois

Joëlle Garriaud-Maylam, sénatrice, secrétaire de la commission des Affaires étrangères 

André Gattolin, sénateur, vice-président de la commission des Affaires européennes 

Sandro Gozi, député européen

Meyer Habib, député, vice-président de la commission des Affaires étrangères

Michel Herbillon, député, vice-président de la commission des Affaires étrangères

Loïc Hervé, sénateur, secrétaire de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale

Anne Hidalgo, maire de Paris

Alain Houpert, sénateur

Jacques Julliard, essayiste, historien

Roger Karoutchi, sénateur, ancien ministre

Rodrigue Kokouendo, député, vice-président de la commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ancien ministre des Affaires étrangères

Jean-Christophe Lagarde, député, président de l’UDI et président UDI-AGIR & Indépendants à l’Assemblée nationale

Jean-Luc Lagleize, député

Guillaume Larrivé, député, président de La France demain

Philippe Latombe, député

Geneviève Lévy, députée 

Marc Le Fur, député, vice-président de l'Assemblée nationale

Constance Le Grip, députée, vice-présidente de la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation

Jean-Marie Le Guen, ancien ministre

François Léotard, ancien ministre 

Olivier Léonhardt, sénateur

Corinne Lepage, ancienne ministre

Nicole Le Peih, députée, membre de la commission des Affaires étrangères

Geneviève Lévy, députée 

Jean-François Longeot, sénateur

Gérard Longuet, sénateur, ancien ministre 

Sylvain Maillard, député, président du groupe d'étude antisémitisme

Jacques Maire, député, président du groupe ALDE à l'Assemblée parlementaire, membre de la commission des Affaires étrangères et de l'Europe

Didier Mandelli, sénateur

Hervé Maurey, sénateur, président de la commission de l'Aménagement du territoire et du Développement durable

Pierre Médevielle, sénateur, secrétaire de la commission des Affaires européennes, président du groupe d'amitié France-Oman

Jean-Michel Mis, député

Adrien Morenas, député, vice-président de la commission du Développement durable

Catherine Morin-Dessailly, sénatrice, présidente de la commission de la Culture, de l'Education et de la Communication

Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, président de Toulouse métropole

Olivier Paccaud, sénateur

Cyril Pellevat, sénateur, vice-président de la commission des Affaires européennes

Guillaume Peltier, député, vice-président délégué, Les Républicains

François Pupponi, député

Didier Quentin, député, membre de la commission des Affaires étrangères

Claude Raynal, sénateur, vice-président de la commission des Finances

Bruno Retailleau, sénateur, président du groupe Les Républicains

Boualem Sansal, écrivain

Thierry Solère, député

Bertrand Sorre, député, secrétaire de l'Assemblée nationale

Simon Sutour, sénateur, vice-président de la commission des Affaires européennes

Jean-Pierre Sueur, sénateur, vice-président de la commission des Lois, ancien ministre

Simon Sutour, sénateur, vice-président de la commission des Affaires européennes

Agnès Thill, députée

Laurence Trastour-Isnart, députée, membre de la commission de la Défense nationale et des Forces armées

Guy Teissier, député, membre de la commission des Affaires étrangères

André Vallini, sénateur, ancien ministre, membre de la commission des Affaires étrangères

Arnaud Vialla, député

Michel Vialay, député

Philippe Vigier, député, président Libertés et Territoires

Sylvain Waserman, député, vice-président de l'Assemblée nationale, membre de la commission des Affaires étrangères

Richard Yung, sénateur, membre de la commission des Affaires étrangères

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Commentaire (1)

  • Femme libre

    Excellente initiative qui n'arrangera ni les annexionnistes israéliens, ni les extrémistes palestiniens. Le Monde arabe bouge, et il faut tout faire pour l'encourager.
    @wilberg : les intellectuels et responsables politiques arabes à l'origine de cette initiative sont-ils des membres du Mossad ?