IA Fictions
Prendre conscience / perdre connaissance
Table ronde - IA et Cinéma (1)
03.06 - 14:15

Bio

Occitane Lacurie, ancienne étudiante de l’École Normale Supérieure de Lyon, est doctorante contractuelle en Esthétique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Sa thèse, intitulée « Le fantôme dans la machine. Apparition, supercherie, dispositif », s’inscrit dans le champ de l’archéologie des médias et des études visuelles. Elle collabore régulièrement à la revue critique Débordements et est intervenue en octobre dernier au colloque « Art, quotidienneté, catastrophe » à la Meiji University de Tokyo avec une communication intitulée « The Digital Ghost. Computing the Uncanny in K. Kurosawa’s Kaïro » .

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Communication

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Abstract

Les fictions dont l’argument repose sur la présence d’une intelligence artificielle voient invariablement émerger la possibilité d’une conscience machinique, et, avec elle, son lot de dilemmes éthiques (2001 L’Odyssée de l’espace, AI), la crainte de la Singularité (The Matrix), une révolte des robots (Ex Machina, Blade Runner, I, Robot) ou même, des amours impossibles (Her,Blade Runner 2049). Toutefois, il est souvent malaisé de distinguer une dérive du programme d’une véritable intériorité: nous ne percevons les actions de l’androïde que depuis la perspective d’un protagoniste humain faisant office d’interface. Nul autre choix que de se fier aux résultats de cette étrange expérience de Turing: un homme convaincu de déceler une forme d’intelligence dans un être machinique qui se comporte comme s’il était doué de conscience.

Nous formulons l’hypothèse que le medium cinématographique est pourtant en mesure de trancher entre véritable émergence d’un «fantôme dans la machine» et illusion de conscience dont se pare la succession procédurale du programme dans un regard anthropomorphisant.Deux œuvres explorent un mode de narration propice à observer le cheminement d’un esprit vers la conscience: un film français étroitement lié aux expérimentations littéraires du Nouveau Roman, L’Année dernière à Marienbad et une série de science-fiction contemporaine, Westworld. Si la seconde emprunte son titre et son cadre narratif à un film de 1973, nous montrerons qu’elle est en réalité une réécriture de la première: une femme sans mémoire tourne en rond dans un parc—celui, à la française, d’un palais rococo ou bien un parc à thème imitant l’Ouest sauvage —inlassablement poursuivie par un homme autrefois amoureux. Outre ces similarités narratives, la structure de Westworld, comme celle de Marienbad, repose sur l’enchaînement anarchique des perceptions d’une androïde à la mémoire à demi-effacée ou en construction. La conscience spectatrice ainsi déterritorialisée s’en trouve régressée à un stade infra-conscient incapable de rétablir le fil des séquences auxquelles elle assiste —à moins d’en passer par le travail infographique complexe mené par des communautés de fans sur Internet —seulement guidée par quelques motifs épars qui se répètent et se répondent d’un film à l’autre.

Ainsi ma communication s’attachera-t-elleà montrer, à partir d’une étude comparative de Westworld et de Marienbad, comment ces deux œuvres proposent une remédiation cinématographique à l’inconnaissabilité radicale de l’intériorité d’une IA (décrite comme une boîte noire) et du processus d’émergence d’une conscience machinique.

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