5 January 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.898

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00019

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 janvier 2022




Cassation


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 19 F-D

Pourvoi n° C 20-22.898

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 octobre 2020.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JANVIER 2022

M. [N] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-22.898 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [R] [L], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Garage de [Localité 6] et de liquidateur judiciaire de la société [Localité 4] automobile,

2°/ à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 13 septembre 2018), M. [Y] a été engagé, à compter du 21 septembre 1998, par la société [Localité 4] automobile, en qualité de vendeur. Par jugements du 12 mai 2011 et du 5 juillet 2011, le tribunal de commerce a ordonné respectivement la liquidation judiciaire de la société [Localité 4] automobile et celle de la société Garage de [Localité 6], M. [L] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire. Le 13 juillet 2011, M. [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Garage de [Localité 6], a notifié à M. [Y] son licenciement pour motif économique.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec la société [Localité 4] automobile et obtenir la condamnation des sociétés [Localité 4] automobile et Garage de [Localité 6] au paiement de diverses sommes à titre de créances salariales et d'indemnités de rupture.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec la société [Localité 4] automobile et en fixation de diverses créances au passif de sa liquidation, alors « que, lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail du salarié d'une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord exprès ; qu'en déduisant l'accord du salarié pour le transfert de son contrat de travail de la seule poursuite dudit contrat pour le compte d'un autre employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1224-1 du code du travail et l'ancien article 1134 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

4. Lorsque les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail d'un salarié d'une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord exprès, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du travail.

5. Pour juger que le salarié a consenti à la novation du contrat de travail par changement d'employeur, l'arrêt retient que la société Garage de [Localité 6] a suppléé la société [Localité 4] automobile dans le paiement des salaires et qu'à compter d'octobre 2009, le salarié a travaillé uniquement pour la société Garage de [Localité 6].

6. En statuant ainsi, sans caractériser que le salarié avait donné son accord au changement d'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant au nombre d'heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de paiement d'heures supplémentaires en ce qu'il ne fournissait pas d'éléments "de nature à étayer sa demande", après avoir pourtant rappelé qu'il soutenait avoir travaillé cinq jours par semaine, à savoir les lundi, mardi, jeudi, vendredi et samedi, de 8 heures 45 à 12 heures 30 et de 13 heures 45 à 20 heures, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

8. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

9. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

10. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

11. Pour rejeter la demande en paiement au titre d'heures supplémentaires, l'arrêt relève que, pour étayer sa demande, le salarié affirme qu'il aurait travaillé quatre jours par semaine, de 8 heures 45 à 12 heures 30 et de 13 heures 45 à 20 heures, ainsi que le samedi de 8 heures 45 à 12 heures 30 et de 13 heures 45 à 20 heures et produit des attestations, émanant de voisins, de commerçants, de clients du garage, d'un ami et de son épouse, qui n'ont fait que des constatations ponctuelles, ce qui ne permet pas de déterminer l'amplitude de travail et la durée effective de celui-ci.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 4] automobile et de liquidateur judiciaire de la société Garage de [Localité 6], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 4] automobile et de liquidateur judiciaire de la société Garage de [Localité 6], à payer à la SCP Lesourd la somme de 1 500 euros chacun ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. [Y]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [Y] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR rejeté sa demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec la société [Localité 4] Automobiles et en fixation, en conséquence, de diverses créances au passif de sa liquidation ;

ALORS QUE, lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail du salarié d'une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord exprès ; qu'en déduisant l'accord du salarié pour le transfert de son contrat de travail de la seule poursuite dudit contrat pour le compte d'un autre employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1224-1 du code du travail et l'ancien article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé ;

ALORS QU'il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant au nombre d'heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de paiement d'heures supplémentaires en ce qu'il ne fournissait pas d'éléments « de nature à étayer sa demande », après avoir pourtant rappelé qu'il soutenait avoir travaillé cinq jours par semaine, à savoir les lundi, mardi, jeudi, vendredi et samedi, de 8 h 45 à 12 h 30 et de 13 h 45 à 20 h, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail.

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