Pas de vaccination obligatoire mais bien un «choix vaccinal obligatoire»: l’option séduit les députés

Les élus de la commission Santé de la Chambre se sont montrés très intéressés lundi matin par l’option, proposée par le chercheur en épidémiologie Marius Gilbert, d’un «choix vaccinal obligatoire» au lieu d’une vaccination obligatoire contre la Covid-19.

par
Belga
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Cette piste consisterait à obliger les personnes qui ne se sont pas faites vacciner volontairement, à aller consulter un médecin, gratuitement, pour discuter de leur choix.

À l’issue de cette consultation gratuite, qui permettrait au médecin de prendre en compte les facteurs de risque individuels du patient, de répondre à ses interrogations mais aussi de reconnecter certains à un suivi médical, il sera encore possible de refuser la vaccination, a insisté Marius Gilbert. «Ce n’est pas l’idée de donner en bonus une consultation gratuite» si l’on se fait vacciner mais plutôt de permettre à tout un chacun de poser un choix éclairé.

Cette piste offrirait un «opt-out», selon les mots de l’épidémiologiste, à l’image de l’obligation de vote qui permet de voter blanc ou nul lors des élections, ou de l’obligation scolaire qui autorise néanmoins la scolarisation à domicile.

«Certains ne seront jamais convaincus, mais...»

Une piste qui a suscité l’intérêt des députés de la commission Santé, s’interrogeant sur sa mise en place concrète ainsi que son coût. «Lors de cette pandémie, on a mis en place des systèmes coûteux» pour le dépistage et le traçage des contacts ou la vaccination, par exemple, leur a répondu Marius Gilbert, selon lequel cette option donc «envisageable». «Les représentants de la médecine générale devraient bien entendu être impliqués» dans cette mise en œuvre.

Pour le chercheur de l’Université libre de Bruxelles, même avec une vaccination obligatoire, il subsistera une réserve de personnes non vaccinées, qui préféreront payer une amende plutôt que de s’injecter un sérum. «Il y a un groupe de réels opposants qui seront de toute manière très difficile à convaincre, si ce n’est dans la durée. On ne les récupèrera pas, même avec une obligation», a-t-il souligné. Cependant, il existe des personnes peu ou mal informées, éloignées de la médecine de proximité, qu’il sera possible de convaincre par ce «choix vaccinal obligatoire», selon lui.

La question d’une incitation positive a aussi été évoquée par Mathias Dewatripont, professeur en économie à l’ULB. Pour lui, il faudrait «essayer de tendre la main aux personnes non-vaccinées qui ne sont pas très connectées aux réseaux de communication et sanitaires», par exemple en proposant un check-up médical gratuit couplé à la vaccination.

Globalement, les spécialistes auditionnés lundi matin ont insisté sur la nécessité d’inciter à la vaccination et à l’administration d’un booster, dont les effets bénéfiques face à Omicron notamment, sont démontrés par plusieurs études. Le biostatisticien Geert Molenberghs (UHasselt, KULeuven) a également martelé l’importance de continuer à augmenter le taux de vaccination, même s’il est déjà important en Belgique et plus particulièrement en Flandre. «L’effet de l’augmentation du taux de vaccination n’est pas linéaire, passer de 40 à 50% n’a pas grand effet mais passer de 80 à 90 ou 95% (de la population vaccinée, NDLR) a un effet plus important. Ce dernier kilomètre» doit être franchi.

Le vaccin, un outil parmi d’autres

Cependant, les experts s’accordent à dire que la vaccination, même obligatoire, ne suffit pas à elle-même. Pour M. Gilbert, il faut réfléchir à des politiques sur le long terme qui auront des bénéfices au-delà de la pandémie actuelle, comme le déploiement d’une meilleure médecine de proximité, les efforts structurels sur la ventilation et la qualité de l’air, et des investissements structurels dans les structures hospitalières et les capacités de soins.

Enfin, l’éventuel maintien du Covid Safe Ticket, ce certificat qui atteste d’une vaccination, d’une guérison ou d’un test négatif au coronavirus, indispensable pour accéder à certains lieux et événements, a été évoquée. Pour Marius Gilbert, le CST fonctionne bien comme incitant à la vaccination mais non pour limiter les transmissions du coronavirus. Celles-ci se font en effet tout simplement ailleurs. S’il devait être décidé d’une vaccination obligatoire, il pourrait dès lors être envisagé de se passer de ce système.

Pour Mathias Dewatripont, si l’intérêt du CST pour inciter des personnes qui n’ont pas encore reçu de dose de vaccin est limité, cet outil reste nécessaire pour inciter à l’administration du booster alors que des personnes déjà vaccinées hésitent à s’injecter ce rappel. Il considère également qu’étant donné que le CST vient d’être conditionné à l’administration d’une dose booster, il en va de la cohérence et de la constance de la gestion sanitaire de le maintenir, du moins pour le moment.

Les experts ont conclu sur la nécessité d’aller vers une forme d’apaisement de la société, en évitant toute polarisation entre vaccinés et non-vaccinés.