Boy from Heaven (La Conspiration du Caire): «Si vous voulez voir le vrai courage, regardez mes amis égyptiens»

Le réalisateur Tarek Saleh, fils d’un Egyptien et d’une Suédoise, figure depuis son polar au regard critique ‘The Nile Hilton Incident’ (Le Caire Confidentiel) sur la liste noire du gouvernement égyptien. Il y a peu de chances que son nouveau film, ‘Boy from Heaven’ (prix du meilleur scénario à Cannes), calme les esprits. Mais il s’en moque, dit-il.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 3 min.

Tarek Saleh : «J’ai un passeport suédois, donc je ne m’inquiète pas. Vous pouvez inscrire ça sur ma tombe. (rires) Je déteste quand des cinéastes sont courageux parce que, soi-disant, ils prennent des risques. Si vous voulez voir le vrai courage, regardez mes amis égyptiens, qui disent la vérité, se font arrêter et torturer et continuent à dire la vérité une fois libérés».

On ne sait pas très bien quand se passe ‘Boy from Heaven’. Pourquoi ne le précisez-vous pas?

«Tout d’abord: c’est une fiction. Je voulais que l’histoire semble intemporelle. Le conflit entre l’église et l’état dure depuis très longtemps en Egypte. Il y a des milliers d’années, vous aviez déjà le pharaon Achnaton, qui ne croyait qu’en un seul dieu et s’attaquait ainsi aux prêtres. Il l’a d’ailleurs payé de sa vie. Et on retrouve, en fait, le conflit dans chaque civilisation.»

Il y a très peu de personnages féminins dans le film, même pas dans le foyer d’Adam. Pourquoi?

«Tous les hommes savent que la vie devient vite épouvantable sans femmes. Il se crée vite un environnement toxique et invivable. On le voit dans les prisons, à l’armée, etc. Dans la culture égyptienne, le père est la figure punissante et la mère la figure soignante. Ces rôles sont clairement établis. La mère d’Adam étant décédée, il a grandi sans cette influence attentionnée. Il est croyant, mais il a peur de la mort, car il sait ce que cela signifie de perdre quelqu’un.»

Que dites-vous aux gens qui sont scandalisés par votre portrait de l’islam?

«Qu’ils doivent se calmer et regarder le film, car ils ne l’ont probablement pas fait. Ceux qui trouvent que ‘Boy from Heaven’ est un film scandaleux, n’ont pas lu le Coran ou n’ont pas bénéficié d’une bonne éducation. L’islam est une vaste religion, aux multiples visages. La plupart sont intelligents et raffinés. Mais pour citer mon père: des connards, on en trouve partout.»

Synopsis

Adam, simple fils de pêcheur égyptien, n’arrive pas à y croire: il est admis à l’Al-Azhar du Caire, une des plus prestigieuses universités islamiques. Mais le décès du grand imam y génère une lutte de pouvoir, dans laquelle le jeune étudiant se retrouve impliqué. ‘Boy from Heaven’ est non seulement un thriller intelligent qui joue avec nos émotions, il offre aussi un coup d’œil dans les coulisses d’une institution que la plupart d’entre nous ne connaîtront pas. Un double merci au réalisateur Tarek Saleh.