A
l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, L'Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits Humains (FIDH-OMCT), ainsi que plusieurs organisations de la
société civile régionales et algériennes, appellent les autorités
algériennes à libérer tous·tes les journalistes et défenseur·e·s des
droits humains emprisonné·e·s arbitrairement et à mettre en place des
mesures concrètes pour garantir ce droit fondamental.
3 mai, 2024
La
journée mondiale de la liberté de la presse est une occasion pour
rappeler aux gouvernements leurs engagements à l’égard de la garantie
d’une presse libre, indépendante et transparente. Plusieurs pays
demeurent dans l’ère de la censure, où les voix critiques sont muselées,
bafouées et même, dans certains cas, mises en prisons.
Dans le cas de l’Algérie, en 2019, la population s’est mobilisée de
manière spontanée et pacifique pour réclamer un changement démocratique.
Malgré la répression des autorités, le mouvement de contestation a
continué avec vigueur, élargissant ses demandes pour une réforme
profonde du régime visant à établir une "Algérie libre et démocratique".
Aujourd’hui, cinq ans plus tard, ce souffle révolutionnaire a été
affaibli par les tentatives rigoureuses du gouvernement qui a mobilisé
l’ensemble de son arsenal répressif afin de rétrécir l’espace civique et
maintenir le statu quo.
Dans ce contexte, la liberté d’expression et d’opinion n’a pas été
épargnée. Les citoyen·ne·s algérien·ne·s sont souvent tenu·e·s
responsables voire accusé·e·s de crime pour avoir exprimé leurs opinions
en public et sur les réseaux sociaux. L’atteinte à la sureté nationale
et le terrorisme sont des accusations qui pourront éventuellement être
attribuées à n’importe quelle personne osant critiquer le régime actuel.
La liberté de la presse a également été restreinte comme en témoigne le
harcèlement des journalistes par les autorités. Le régime Algérien ne
cesse de renforcer sa mainmise sur les sources d’information
susceptibles de rendre compte de la réalité sur place. La répression est
donc devenue structurelle et systémique sur la base d’un arsenal
juridique qui évolue constamment pour servir les intérêts du régime et
non des algérien·ne·s. Par exemple, cela est bien tangible à travers la
récente loi sur l’information du 29 août 2023 qui réserve l’entrée dans
le capital d’un titre aux détenteurs·trices de la nationalité algérienne
et exige plusieurs autres contraintes restreignant la liberté
d’expression et d’accès à l’information. De plus, les tribunaux
algériens se sont appuyés sur de nombreuses dispositions du Code pénal
telles que les articles 74, 75, 96, 144, 144 bis, 146, 196, 87 bis et
290 bis pour punir les voix dissidentes.
Sur la base de cet arsenal et plusieurs accusations fallacieuses, des
journalistes et lanceurs d’alertes croupissent actuellement en prison
et/ou subissent des poursuites judiciaires. Khaled Drareni, Rabah Karèche, Ihsane El-Kadi et Mustapha Bendjama
ont été visés et condamnés à des peines de prison pour avoir exercé
leur droit de diffuser des informations sur des questions publiques
telles que la corruption et la dénonciation des violations à l’encontre
des défenseur·e·s des droits humains, ainsi que pour avoir exercé leur
droit à la liberté d’expression pacifique.
De plus, les autorités ont arbitrairement restreint voire bloqué
l’accès à des sites d’information indépendants, aggravant ainsi les
obstacles à l’accès à une information diversifiée. Ihsane El Kadi a été
condamné à une peine de cinq ans de prison, dont trois ans ferme,
assortie d’une amende de 700 000 dinars (environ 4 726 Euros) pour
« réception de fonds de l’étranger à des fins de propagande », « pour
accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité
nationale et au fonctionnement normal des institutions » (Articles 95,
96 et 95 bis du Code pénal, respectivement). Le 18 juin 2023, la Cour
d’appel d’Alger a aggravé sa peine et l’a condamné à sept ans de prison,
dont cinq ans ferme.
Face à cette situation, les organisations signataires appellent les autorités algériennes à :
• Libérer immédiatement et sans condition l’ensemble des
journalistes et des défenseur·e·s des droits humains actuellement
arbitrairement détenu·e·s en Algérie;
• Mettre fin à l’instrumentalisation de l’arsenal juridique
visant à intensifier la répression sur les journalistes, bloggeurs·euses
et lanceurs·euses d’alertes ;
• Instaurer une législation qui garantit la pratique libre de la presse et les droits des journalistes.
• Se conformer aux engagements internationaux souscrits par
l’État en matière de droits humains et garantir en toutes circonstances
les droits à la liberté d’expression et d’opinion.
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